Nouveaux horizons [PV Ryu]

La sensation de se faire jeter était particulièrement désagréable. Dominique n’est pas là quand un gardien lui signale qu’il change de place, et qu’il embarque ses affaires sans un mot de son ancien copiaule. Quand il perd ses privilèges, à voir son inhalateur lui être retiré. Il ne dit rien, mais son visage marque l’angoisse d’un changement de vie qu’il ne comprend pas. Il reste pourtant silencieux, laissant son angoisse lui dévorer le ventre alors qu’il avance vers l’inconnu.

Une cellule ; deux lits occupés de toute évidence, même si seulement l’un des deux était occupé. Une hésitation, les maigres affaires qu’il avait entre les bras, alors que le maton l’abandonne là. Un pas, alors que l’évidente inquiétude marquait les traits du rouquin. Il chercha, un instant, où s’installer, où ne pas gêner. Avec la surpopulation de Rikers, il se sentait encore plus à l’étroit, encore plus à étouffer… A regretter l’inhalateur qui partait avec le garde.

Pourtant, comme si cela pouvait tout arranger, il s’arma d’un grand sourire, posa ses affaires sur le lit en hauteur, en face de l’autre homme, pour lui tendre la main avec un air… Aussi assuré qu’il pouvait avoir. Peut-être un peu trop avenant, il ne savait pas trop. Il ne comprenait pas ce qu’il avait vraiment fait de mal, pour se faire virer comme ça de chez Dominique.

“Bonjour ! Je suis Ruppert Willis, enchanté !”

Cela faisait pourtant quelques mois, mais il était resté à essayer d’être positif. A montrer qu’il croyait encore en l’humanité, même lorsqu’il fréquentait la pire lie de celle-ci, soi-disant. Puisqu’après tout à présent, il était l’un des leurs. Mais ses cheveux étaient plus ternes, malgré un entretien rigoureux. Son regard moins brillant. Ses sourires plus forcés. Sur son poignet tendu, les rubans colorés donnaient le sentiment d’être une tache de couleur presque grotesque dans le tableau triste qu’il renvoyait.

“Désolé, j’ai été déplacé aujourd’hui… Je ne m’y attendais pas, mais ça ira ?”

De toute façon, que pouvaient-ils y faire ?

Je profitais d’un moment de calme pour lire un livre. Il y avait bien peu de chose que j’appréciais ici, devoir vivre à plusieurs dans un si petit espace était dans mon top 5 des choses que je détestais le plus. J’étais en surdose de sociabilisation en permanence alors autant profiter des rares moments de répit pour savourer le silence… Je crois avoir parlé trop vite... Des pas approchent...J’espère fortement qu'ils ne s'arrêteront pas devant ma cellule, mais c’était trop demandé. C’est franchement dommage que ma demande de rideaux ait été refusée. Je vais devoir un minimum faire semblant de m'intéresser à ce qui se passe et devoir me sociabiliser… Je fermai doucement mon livre avec regret puis je me glissai au bord pour m'asseoir face au nouvel arrivant.

Je commençai par ses pieds puis je remontai doucement vers son visage. Fluet, c’est tout autant un petit gabarit que moi, peut être un peu plus grand... Les roux possèdent toujours une beauté particulière. Comme moi, son physique fait partie des minorités de ce lieu. Son visage est un peu trop anguleux, mais ses taches de rousseur donnent l’impression qu’une œuvre est dessinée sur sa peau. Cela lui donne un certain charme. Une beauté chatoyante qui commençait à s’éteindre. Cet homme était attaqué par la prison. Il ne semblait pas appartenir à mon monde. Il était tout de même enfermé, mais il y avait ce regard, sa manière de parler qui me disait qu’il n’était pas vraiment au bon endroit. Je devais rester tout de même méfiant, beaucoup ici savait jouer la comédie, moi le premier.

Mon regard coula vers sa main tendue, combien de temps, il avait dressé entre lui et moi ? J' accrochai sur les rubans de couleur. Ça me plaisait, m’inspirait. J'aimais ses touches colorées. Le temps d’imaginer le croquis d’un dessin, je restai figé avant de me rappeler qu’il avait toujours sa main tendue vers moi et qu’il attendait un retour de ma part.

Il me plaisait bien, il fallait bien que je lui montre. Du bout des doigts, j’attrapai les siens pour les secouer doucement avant d’attraper une serviette pour m’essuyer la main. Je ne savais pas ce qu’il avait touché avant d’arriver ici.

- Ce n’est pas contre vous ! J’ai du mal avec le contact, mais je suis tout autant enchanté de vous connaître. Je m’inclinai respectueusement pour le saluer à ma manière. Ryu Inagawa .. Pour vous servir ! C'était manière de parler, il ne fallait pas qu'il s'imagine quoi que se soit.

- Si vous respectez mon espace de vie et que vous êtes soigneux ça devrait bien aller... Vous m’avez l’air d’une personne... Inspirante ! Vous me donnez envie de dessiner, c’est bon signe ! Mon regard souriait pour mes lèvres.

Assurais-je. Je ne sais pas si cela pouvait le rassurer ou le mettre à l’aise... Je sais que je pouvais paraître étrange parfois... Je l’étudiais de nouveau. Faible comme il était, il avait dû réussir à se trouver une protection. Il fallait que je sache si j’avais un ennemi dans mes quartiers.


- Par précaution nécessaire... Faites-vous partie d’un gang ? Vous pouvez me répondre après vous être installé... Je n’ai pas grand-chose à vous proposez, mais je peux vous partager des biscuits... En signe de bienvenue. Si vous avez des questions, n’hésitez pas.


Ma politesse était ce que je pouvais lui offrir comme accueille.

La main resta entre eux, immobile, quelques secondes encore. Ruppert ne savait pas combien de temps attendre avant d’accepter qu’on lui mettait un vent, comment gérer réellement cette agressivité permanente qu’il y avait en taule, qu’il ne supportait pas. Fondamentalement, il ne parvenait pas à comprendre la raison de celle-ci. Les fonctionnements illogiques pour le plaisir d’être illogiques, improductifs, voir même destructeurs…

Mais son vis à vis finit par lui attraper la main pour la serrer, brièvement, avant d’aller s’essuyer la main. Perplexe, peut-être vexé - non, les roux n’étaient pas plus sales que les autres ! - l’explication ramena cependant le sourire sur son visage, qu’il força à rester. Ici non plus, pas de contact. C’est sûrement ce qui le butera à petit feu le plus vite, si ce ne sont pas les carences alimentaires. Ou sa capacité à ne pas savoir bien lire les situations, à être au mauvais endroit, au mauvais moment.

“Oh, pardon ! J’ai l’habitude de… Aucun souci, j’éviterai les contacts.”

Faire preuve de bonne volonté, montrer qu’on respecte les limites imposées, montrer patte blanche, s’écraser, même si les autres ne font pas la même chose. Au final, l’autre lui demande simplement de ne pas être un porc. La base de la vie en colocation, et il acquiesce sans souci.

“Oh oui oui, j’ai vécu dans des grosses coloc, j’ai l’habitude de m’occuper de mes affaires et garder propre l’environnement commun, ne vous inquiétez pas ! Je prendrai le moins de place possible.”, le rassure-t-il, avant de ne pas réussir à se retenir. La curiosité est une grande part de sa personnalité. “Vous dessinez ? Accepteriez-vous de me montrer, à l’occasion ?”

Sa question suivante sur les gangs le laisse perplexe, et il soupira, haussant les épaules. Il avait compris que ce n’était pas anodin, de faire partie d’un gang, mais également qu’il y avait des tensions entre certains. Une chance, de ce qu’il avait saisi, les Orange étaient neutres. Il n’avait pas envie de devoir faire attention à la moitié de la prison, après tout.

“J’aurais bien aimé rentrer chez les Orange Walkers, mais c’est… En pause, pour l’instant. Je suppose que je ne suis pas assez bon, ou que sais-je… Et vous ?”

En parlant, il commençait à ranger soigneusement ses affaires. Combi de rechange, vêtements à mettre en dessous. En personnel, il n’avait pas grand chose ; son shampoing spécial cheveux roux pour entretenir la magnificence de sa chevelure était certainement le produit d’entretien corporel qui ressortait le plus au milieu des autres, plus classiques, de la nécessité basique en somme.

“Oh, je veux bien des biscuits, c’est gentil…”, certainement à payer plus tard, lorsqu’il serait temps de faire les comptes. Mais Ruppert pouvait bien ramener une boite de biscuits de temps en temps. “Et quelques questions.. Hm… A part être propre et peu encombrant, y a-t-il des choses que vous voulez que je respecte ? Que vous n’aimez particulièrement pas ? Vous avez une préférence sur comment je m’adresse à vous ?”

L’envie de tutoyer, de mettre en place une proximité factice était forte ; mais Ruppert avait appris avec Dominique que cela pouvait être à double tranchant. Et que tout le monde n’avait pas envie d’être appelé par son prénom…

Il avait l’air d’être un gentil garçon, simplement un peu perdu. Cela m’intriguait davantage. La curiosité de connaître son passé... Mais c’était une curiosité vicieuse, car elle sous-entendait de me dévoiler aussi de mon côté et ça, je n'étais pas prêt et puis se mettre en lumière n'était pas trop mon trucs ! Oui un bien gentil garçon..Cela se sentait qu’il essayait de faire des efforts pour qu’on s’entende. . Comme tout le monde, il souhaite certainement que le lieu de repos soit un cocon sûr. C’est peut-être de l'hypocrisie, mais je ne lui en veux pas. Qui ne ferait pas d’effort pour pouvoir dormir sur ses deux oreilles. D’un mouvement du menton, je lui désignai ma couche.

- Cela fait maintenant un certain temps que je suis là... J’ai laissé ma marque...

Je lui montrai ma frise représentant un paysage nocturne sur le mur, une sorte de fenêtre vers un paysage que je ne reverrais peut-être pas. Un lac avec ponton entouré d’une forêt de conifères sous un ciel étoilé. Je l’avais réalisé avec le peu de matériel que j’avais pu trouver.C’est-à-dire pas grand-chose, bien que j’avais mis pas mal d’argent dans ce projet. C'était discret, on ne m'avait pas trop posé problème bien que j'avais bien compris que quand je quitterais la cellule, il faudra que je me débrouille pour l'enlever.

- Le matériel est difficile à trouver...Ils pensent peut-être qu'on peut tuer avec un pinceau et de la peinture... J’ai aussi un carnet à croquis. Je vous montrerais à l’occasion.

Je n’aime pas vraiment montrer mes croquis. Ce n’est pas quelque chose de finaliser, de parfait... Mais là, c’est un moyen de lui montrer que je ne suis pas fermé à la bonne entente.
Orange Walkers, hein…C’est une assez bonne nouvelle. C’est un gang neutre et en prime, ils ont généralement de très bons talents en informatique ce qui peut toujours être utile surtout lorsqu’on est nulle comme moi dans ce domaine. Heureusement que j’avais un hacheur de talent dans mon équipe pour mes différents projets. Savoir bien s'entourer était assez primordial quand on était assez chétif.

- La prison est bien animée en ce moment... Ils ont peut-être d’autres chats à fouetter. Ce n’est pas... Bien de se dénigrer. Je vous conseille d’être optimiste sur vos talents, vous en convaincrez les autres !

Surtout que je n’aimais pas ceux qui était trop modeste. Quand on avait du talent autant l’affirmer cela ne servait à rien de le cacher et puis les autres avaient tendance à davantage faire confiance à ceux qui étaient sûrs d’eux. Est-ce que j'avais le droit de le conseiller? Il devait certainement se dire que je n'avais aucun droit en tant qu'inconnu, mais bon, il devra vite apprendre que j'ai toujours mon mot à dire.

- Je suis assez bien placé chez les Némésis.

Pas besoin de rentrer dans les détails tant qu’il ne s'imagine pas que je sois un prostitué, il n’a pas vraiment besoin de savoir ce que je fais. Quand on est neutre, il vaut mieux en savoir le moins possible. J’allai chercher ma petite boite de biscuit que je déposai sur notre petite table puis je viens m'asseoir. J’aurais aimé une bonne tasse de thé avec. Je réfléchis un peu avant d’ajouter.

- Si je dois me changer devant vous... J’aimerais que vous vous retournez, je n’aime pas vraiment qu’on me regarde nu. J’en suis mal à l’aise. Sinon pour la manière de vous adressez à moi... Et bien si vous êtes plus à l’aise avec le tutoiement allez y. Nous sommes colocataires maintenant. Personnellement mon éducation fait que je vouvoie plus facilement, mais cela ne me dérange pas venant de vous que vous me tutoyez... Après tout, nous allons nous voir souvent.
Remarquais-je.

- Ah... Ne vous étonnez pas si parfois, je ne suis pas là. Je m’arrange parfois pour aller en isolement... C’est assez étrange, mais trop de proximité me... Dérange.

J’aurais pu dire "dégoûte", mais c’était peut-être un peu fort à employer face à un inconnu. Bien maintenant, il faut passer l’étape ne pas être égoïste et poser la question en retour.

- Et vous ? Que voulez-vous que je respecte pour que notre cohabitation se passe pour le mieux ?

Pas sûr que je le respecte si cela demande des actes trop pénibles, mais rien n’empêche de demander, n’est ce pas ?! Lorsqu'il vient me rejoindre, je lui fis signe qu'il pouvait se servir. Est-ce qu'on doit parler de la raison de notre présence ici ? Ma curiosité me pousse à demander, mais ma raison m'incite à attendre qu'il se dévoile par lui-même.